• Si vous aimez les animaux, mangez-les !

    Je me mêle rarement de l ‘actualité mais...
    Deux vidéos successives sur des abattoirs ont provoqué des réactions de sensibilité, bien compréhensibles, à la souffrance exposée aussi bien chez les mangeurs de viande que chez les végétariens.
    Sensibilité bien compréhensible, compassion, pitié. Cela nous mène tous à dire : « cela me dégoûte, je ne mange plus de viande »
    Si plus personne ne mange de viande, il n’y aura plus d’abattoirs ! C’est tout simple !
    Mal pensé, pas assez réfléchi.
    Qui élèvera des animaux inutiles, qui investira pour du bétail, des cochons ou des poules, si plus personne ne les achète ? C’est un véritable génocide que nous provoquerions là ! Nous tentons de protéger toutes sortes de bêtes en voie de disparition et nous éliminerions nos vieux compagnons de toujours par amour pour eux !!!  Ils ne donneront jamais satisfaction en tant qu’animaux de compagnie. Nous sommes de plus en plus urbains et ils ont besoin de prés et de campagne. Il ne faut pas oublier que de jolis agneaux se transforment très vite en gros moutons bruyants qui vivent en troupeaux sur de grands espaces herbus.
    Non. Si nous n’en mangeons plus, devenus inutiles, ils disparaîtront, tous, jusqu’au dernier. Ne me parlez pas des vaches laitières, des brebis à lait et fromage pour conserver l’espèce, vous savez bien que sans leur viande, le lait seul n’est pas assez rentable. La laine si utile autrefois, est tombée en désuétude au profit des synthétiques qui semblent si pratiques (hum, il y aurait à dire sur leur mode de destruction , et la pollution). D’ailleurs, nous commençons sérieusement à snober le lait de vache. Il est actuellement peu ou pas rentable autrement que dans des installations gigantesques où le stress des animaux est permanent et pas seulement à leur dernier instant dans un mauvais abattoir.
    Bref, si nous cessons de manger de la viande, de boire du lait, de manger des oeufs (et d’utiliser du cuir), nous les condamnons là , tout de suite, sur les dix ans qui viennent et peut-être plus vite .
    Il est nécessaire de lutter. Lutter pour produire une viande libre, saine et heureuse, que nous tuerons proprement et consommerons avec de la reconnaissance pour ces animaux domestiqués, civilisés dirons-nous, à qui nous devons tant. Lutter pour que cessent toutes les souffrances de l'élevage industriel, souffrances plus cruelles parce que constantes.
    A côté de ma maison, qui s’élève seule au milieu des prés, paissent des vaches rousses avec leur veau, et derrière, un petit troupeau de moutons avec de jolis agneaux blancs et joueurs écume les autres prés tour à tour. Je les vois accueillir leurs éleveurs (que je ne connais que de vue) avec joie et affection, et vivre bien plus heureux et soignés que bien des humains. Ces animaux seront mangés un jour ou l’autre. Vous, moi, tous, nous mourrons un jour. Ma mort sera-t-elle douce et tranquille ou dans la souffrance ? Je ne le sais pas et je ne saurais le prévoir.Le savez-vous ?
    Transfuge de la ville, la tête au milieu de  mes papiers, je ne connais pas les éleveurs ni l’élevage. Je ne milite pour personne. Je réagis comme un citoyen qui possède une plume et un lieu( trop) discret pour m’exprimer. Ce blog que vous me faites l’honneur de visiter est essentiellement littéraire, mais , ainsi que vous avez pu le constater, soutient la bienveillance, le bon sens et la lucidité. Si j’ai eu le bonheur de vous suggérer une autre manière de juger, moins épidermique, parlez-en avec vos connaissances, faites jouer vos réseaux, afin que ce raisonnement se répande.
    Les vaches mes voisines, et moi, vous en remercions.


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  • L’inconnue

    Elle était assise à mon bureau, appliquée à taper sur mon ordinateur..
    J’étais pourtant entrée bruyamment dans l’appartement réputé vide, jetant mes clés sur la table, expédiant mes chaussures et mon sac dans le couloir, au plus près de la porte de ma chambre, pressée de noter l’idée qui m’avait squatté l’esprit tout l’après midi. C’était une sorte de poème, qui chantait bien et m’obsédait pour le moment. Je me savais capable de l’oublier, demain.
    Malgré tout ce remue-ménage, l’inconnue continuait à taper tranquillement. Elle n’avait pas même tourné la tête à mon entrée tonitruante.
    Malgré l’obstacle des longs voiles soyeux et noirs dont elle semblait enveloppée, je n’avais pas douté un instant qu’elle fut femme. Un je-ne-sais-quoi dans l’épaule, quelque chose dans la position de la jambe sur laquelle reposait la soierie, le port général du buste...
    Mais que faisait cette inconnue chez moi ? J’aurais dû être affolée. Pourquoi gardai-je ce calme, cette empathie ?
    Elle portait une espèce de capuchon sur sa tête penchée, dont les bords n’étaient pas attachés. Il ne paraissait pas que son costume ait quelque chose à voir avec les housses dont se revêtent à notre époque, certaines femmes musulmanes. Pourtant, les mains de l’inconnue, qui couraient toujours sur les touches du clavier, restaient invisibles, masquées par de longues et larges manches. Portait-elle des gants ? J’étais fascinée par le tombé extraordinaire de l’étoffe dont elle était enveloppée. Ces manches, en particulier, auraient dû la gêner. Elles suivaient gracieusement son toucher rapide.
    Immobile et sans réaction, j’enregistrai ces observations, évidentes et pourtant dépourvues de sens. Ma tête s’était vidée de toute pensée. Je ne réagis pas plus quand la femme se leva, me montrant toujours son dos. Elle était d’une stature au-dessus de la moyenne et d’un port élancé, la grâce de ses gestes et de son maintien semblaient innés. Je ne sais comment elle réussit à passer devant moi sans que je visse ses mains, ses jambes, ses pieds. Elle semblait glisser au-dessus du sol malgré tapis et plancher glissant et gardait sa tête baissée. Je ne pus voir son visage quand elle passa si près de moi, laissant un sillage au parfum d’humus.
    Elle gagna la porte et je commençais à recouvrer mes sens engourdis jusque là.
    Alors elle se retourna et rejeta sa capuche. Seulement là, mon sang glacé la reconnut : rien qu’un squelette. La Mort, la Mort est venue chez moi et m’a frôlée !
    Elle murmura d’une voix rauque : Je reviendrai.
    La porte se referma très doucement, sans déranger la profonde stupéfaction où cet épisode m’avait plongée.
    Ce n’est qu’un moment après que, vivante à nouveau, je me précipitai sur mon ordinateur. Il était éteint, comme je l’avais laissé en partant travailler. Désemparée de ne plus trouver trace de ce qui, pourtant, était arrivé, le jetai un regard affolé autour de moi.
    Une feuille dépassait du berceau de l’imprimante. Je l’empoignais et lus quelques mots du texte imprimé. Je dus m’asseoir pour continuer de lire :
    « Elle était assise à mon bureau, appliquée à taper sur mon ordinateur...
    J’étais pourtant rentrée bruyamment dans l’appartement réputé vide, jetant mes clés sur la table, expédiant mes chaussures et mon sac dans le couloir, au plus près de la porte de ma chambre, pressée de noter l’idée qui m’avait squatté l’esprit tout l’après midi. C’était une sorte de poème, qui chantait bien et m’obsédait pour le moment. Je me savais capable de l’oublier, demain.
    Malgré tout ce remue-ménage, l’inconnue continuait à taper tranquillement. Elle
    n’avait même pas ... »
    Tout était là et le texte se terminait par :
    « Je reviendrai... »

     


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  • Voici ma participation au collectif "CHAPEAUX", édité par les éditions AUZAS  http://www.edition-auzas.fr

    CAPELINE ET CANOTIER.

    Une capeline de paille colorée a rencontré un canotier.
    Sous la capeline, deux yeux de jais rieurs. Sous le canotier, au-dessus d'une fière moustache blonde, deux bleuets.
    Un soleil doux éclairait la campagne encore timidement fleurie. L’eau de la jeune rivière gazouillait fort entre les rochers pour concurrencer les flonflons de la fête, au loin.
    La capeline s'est laissée approcher par le canotier fringant qui lui a fait un bout de conduite.
    La promenade se termina sur un banc, sous la surveillance d'une touffe de lilas. Point n'était besoin d'une duègne. La large capeline sut garder ses distances malgré les rires cristallins qu'elle abritait. Le canotier fredonna, marqua la mesure, mais découvrit d'un geste respectueux une jeune tête blonde inclinée pour saluer le départ de la sage capeline.
    Ceci se passait dans un monde disparu, fait de jeunesse, de rires, d'insouciance.
    De gros nuages, un orage, une tempête, un typhon, un ouragan le dévastèrent. Un autre monde est né. Convalescent, il panse des blessures tenaces, frotte des cicatrices encore sensibles, tente un sourire entre deux grimaces douloureuses. Depuis trop longtemps, un fond de bruits de bottes et des casquettes vert-de-gris ont imposé couvre-feux et restrictions.

    Un bibi à voilette, couvert de deux énormes fleurs de paradis, est suivi tout au long du boulevard par un borsalino gris clair, du même gris que le pantalon à sous-pieds qui gainent deux jambes agiles. C'est un vigoureux marcheur, malgré une boiterie légère, prétexte au maniement dextre d'un jonc noir à poignée d'argent.
    Le bibi accélère et tourne dans une rue adjacente. Le borsalino suit. Hors d'haleine, le bibi s'arrête devant la vitrine d'une modiste. Le voilette se soulève sporadiquement, tant la marche fut vive, ou alors d'émotion ?
    Les yeux de jais rencontrent dans la vitre le reflet du borsalino, et lancent une étincelle. La lueur fugace éclaire deux bleuets innocents et l'étonnement se lit alentour de la moustache blonde.
    Le borsalino se soulève, décrit une orbe et les moustaches sont faces à la voilette émue, voltigeant de plus belle.
    — N'ai-je pas eu le bonheur de vous rencontrer, autrefois, Mademoiselle ?
    — Si, monsieur. C'était avant... avant. Les yeux brillants s’embrumèrent.
    — Mille excuses, je ne voulais pas attrister de si beaux yeux... C'était un si joli printemps, soupira-t-il comme pour lui-même.
    — Mais une si triste année.
    — Une terrible période. Nous en sortirons... Bientôt. Je vous promets. Le borsalino tournait et retournait entre des mains embarrassées. Vous habitez la ville ?
    — Il faut bien, je travaille à présent.
    — Moi aussi. Nous reverrons-nous ? J'aimerais vous faire entendre notre chorale.
    — Vous chantez toujours ?
    — J'essaie de m'y remettre, de rattraper le temps perdu...
    — Celui qui ne se rattrape jamais... dit-elle, rêveuse.
    — On peut toujours essayer. Ses yeux de ciel pur chargeaient ces mots de tant de perspectives...
    Feutre taupé, borsalino, panama, retrouvèrent toque, castor, turban, souvent, longuement.
    Et passa le temps qu'il faut

    suite:

    Advint le printemps et ses naïves fleurs des champs.
    Le voile blanc de Marie en était parsemé. Il valait toutes les coiffures sophistiquées qu'elle vendait aux dames de la ville. Un huit-reflets veillait sur elle. Dorénavant, il ne laisserait aucune casquette de mauvais aloi l'importuner.

    En coiffe de dentelle blanche, Marie, désormais, veille sur un mignon bonnet d'angora. Au-dessous du bonnet, deux yeux d'azur dans un écrin de cheveux sombres la regardent intensément. Mais arrive la moustache blonde qu'on appelle papa, et fusent les rires et la joie d'Élodie.

    Marie a recyclé ses talents. À ses clientes en cheveux, elle propose désormais bijoux fantaisie, foulards et colifichets. Mais toujours un grand chapeau extravagant trône dans sa vitrine. C’en est l'enseigne changeante. Et sous le reflet du grand chapeau, il n'est pas rare qu'un promeneur, attiré par l'étalage aguichant, vienne encadrer son visage.
    Marie et Élodie s'en amusent, complices. Elles se serrent pour se tenir compagnie, si seules depuis que l'homme à la voix d'or enchaîne les tournées à l'étranger, les succès, la réussite.
    Stetsons, bolivars ou sombreros, tricornes d'opérette ou calottes épiscopales, par ses photos dans les magazines, on peut suivre son envol de festivals en galas. Il semble manquer même de la minute nécessaire pour téléphoner à ses deux petits chaperons rouges, seules parmi les dangers.
    Un loup muni d'un casque intégral tenta d'enlever la douce Élodie. Marie se débattit seule comme la petite chèvre de Monsieur Seguin contre la bête, pour sauver sa fille, mais le loup l'emporta.
    Marie, désespérée, demanda de l'aide à un képi sévère qui d'abord l'accusa, puis tomba sous le charme de ses larmes. Loin de sauver la fille, il voulait perdre la mère.

    Un soir, sous le grand chapeau de la vitrine, vint s'encadrer une petite capuche rabattue, honteuse. Les aigues-marines de ses yeux étaient délavées par les pleurs et son petit corps amaigri se serrait dans le vaste châle qui le couvrait. Marie pleura de joie en serrant la repentie contre son coeur.
    Elles furent deux à s'opposer aux exigences du terrible képi. Il n'avait plus de moyen de pression sur Marie et voulut s'en prendre au ravisseur d'Élodie. Il était bien loin, et la jeune fleur, refusant de faner, s’était allée réfugier chez les cornettes. Charitables, elles la recueillirent, la soignèrent, mais s'avisèrent de vouloir l’embéguiner. Élodie, un instant tentée, résista et s'enfuit pour retrouver l'abri des couvre-chefs de sa mère. Les cornettes étant moralement inattaquables, le képi capitula et classa l'affaire.
    C'est ce moment que choisit un manille blanc, abritant une moustache blonde blanchie par des années d'aventures, rzcouvrant un crâne rose encore garni de quelques duvets blonds, pour jeter un oeil interrogateur au travers de la vitrine. Bien entendu, il encadra son visage dans le reflet du grand chapeau qui était du genre deuil chic, comme les pensées de sa créatrice.
    Sidérée, Marie fit signe d'entrer à ce petit homme replet et trop habillé pour le lieu et l'heure. Elle n'avait pas vu, sur les photos raréfiées de l'homme à la voix d'or, se dessiner ce petit ventre rebondi et ces esquisses de bajoues, que sans doute dissimulaient ses costumes de lumière.
    Son air triomphant l'avait déserté. Restait un reflet vague de l'homme qu'elle aimait, noyé dans une physionomie banale et inconnue.
    Marie ne savait plus que penser, que ressentir d'autre que la confusion de ses sentiments.
    — Papa !
    Élodie venait d'entrer. Sans un instant d'hésitation, elle se jeta dans les bras de son père, faisant valser au loin le manille blanc resté en place tant la sidération des deux amants était grande.
    Marie avait jeté un coup d'oeil dans la grande glace où d'ordinaire se miraient complaisamment ses clientes. Elle y avait vu une petite femme aux yeux de braise, la silhouette un peu tassée, le menton empâté. Sa chevelure poivre et sel allait bien avec son visage un peu fané et sa taille épaissie. Une inconnue, elle aussi.
    Elle tendit la main à l'élégant garçon blond qu'elle avait épousé une belle journée de printemps. Il enlaça sa taille de jeune fille. Ses paupières voilèrent un instant les bleuets de sa jeunesse, qui réapparurent intacts.

    Une capeline de paille dorée se promène au bras d'un canotier. Sous la capeline, le bonheur est aux prises avec les cicatrices de la vie. Le bonheur est en train de gagner et un rire frais sort de dessous la paille tressée.
    De l'autre côté du canotier désuet, mais obligatoire en ce jour important, un galurin rigolo coiffe une splendide brune aux yeux de saphir. Sa démarche légère se joue du balancement de sa robe printanière et compense ce qu’a de tranquille le pas du trio.
    Le canotier emmène sa famille fêter leur réunion et quelques petits faits privés dans la guinguette de leur jeunesse.
    L'établissement, lui aussi, à prospéré. De guinguette, il s'est transformé en luxueux restaurant gastronomique qu'à coup sûr une simple modiste n'aurait pu fréquenter. L'homme à la voix d’or le peut, lui. Il a déposé aux pieds de ses deux déesses le fruit qui lui avait fait oublier que le temps passait. Sa seule excuse.
    Elle fut reçue avec modération. Toutefois, Marie salue avec satisfaction ses riches clientes, habituées de l'établissement.
    Après le repas, une promenade en calèche les mène dans la campagne encore timidement fleurie. Ils longent la jeune rivière qui gazouille immuablement entre les rochers. Au loin, on entend les flonflons d'une fête.
    Élodie n'en sait rien, mais chaque fleurette, chaque son, chaque détour du chemin fouette le sang des vieux amants.
    Soudain, rênes en main, le canotier se lève et pousse le cheval, qui part au galop. Parmi les cris et les rires s'envolent une capeline dorée, un canotier passé de mode, et un petit chapeau rigolo garni de cerises

    FIN


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