• Les Châteaux de sable

    Les Châteaux de sable

    Les châteaux de sable

    Il y en a de géants, ambitieux, compliqués. Il y en a de modestes, tout simples, on dirait peu coûteux, si ça avait quelque chose à voir. Certains ont des douves moyenâgeuses, d’autres représentent tout autre chose que des fortifications ou des habitations. Une sirène, une tour, une auto, avec, incluse, une petite glace pour figurer le rétroviseur. C’est un concours de châteaux de sable. Le jury est passé. Actuellement, on doit distribuer les prix.
    La marée monte.
    Tous ces individus, ces entités , ces créations qui sont des créatures, à qui les artistes ont donné l’âme en même temps que forme et matière, brillent une dernière fois sous une jeune lune survenue avec le soir. C’est que le sable sent venir la mer. Elle n’est pas encore là, elle est lointaine, rassurante avec son petit mouvement cadencé devenu peu à peu plus nerveux. Mais elle diffuse son avant garde. Elle s’insinue, et le sable est partout complice
    Car le sable sait. Il se gorge à l’avance. Il est comme le gourmet, l’amante, anticipant le plaisir.
    De la plus modeste des oeuvres à la plus grandiloquente, toutes prennent un éclat, une opulence. Elles se gonflent de leur importance, Tandis qu’au loin, de son lent va et vient ourlé d’écume, s’approche la danse de mort de la mer inlassable. Et la sournoise, l’insidieuse correspondance souterraine unit déjà les créatures périssables à leur vainqueur. Déjà de petits effondrements, de minuscules coulées effacent des détails. Des ornements de varechs ou de coquillages tombent, des trous ou des douves se remplissent, où se reflète la lune plus affirmée, curieuse. Puis des pans s’écroulent sous d’invisibles coups de boutoir.
    Elles ont encore de la prestance, ces constructions . Inchangées sous un regard distrait. seule l’attention de leurs proches, de ceux qui les ont vu naître, trouverait la différence, identifierait les manques et les dégradations.
    Les plus riches partent en premier. Les plus remarquées par leur extravagance, leur étendue, la richesse de leur ornementation, laissent à l’ennemi cauteleux ce qui les rendaient mémorables. Leurs angles s’arrondissent, les arêtes autrefois redoutables s’estompent et ne rendent plus les coups.
    Et toujours approche la limite fluctuante des eaux. Le reste de la plage, gorgé d’eau à présent brille aussi, sous la lune comme un fanal. Les coups de sape ne sont pas encore là, arrivent et surprennent. Ça et là, de grands morceaux s’écroulent sans fracas et fondent sur place, rejoignant, immobiles, le niveau initial de la plage. Diminués, amputés, adoucis, les fiers ouvrages gardent le reflet de leur grande allure, comme des ruines grecques, pathétiques.
    Puis c’est l’assaut. Des vaguelettes longues, sans force viennent caresser leurs proies, évaluer le degré de leur résistance résiduelle. Aussitôt suivies d’efficaces coups de bélier donnés par trois ou quatre fin de déferlantes écumeuses.
    La mousse de dissipe emportée par de douces vaguelettes prémices à d’autres assauts plus significatifs.
    Les ruines, hautaines, dédaigneuses, ne se défendent pas, mais de grands pans résistent, dressent encore les restes de leur gloire, orgueilleux mais vaincus l’instant d’après.
    La puissance de la mer contre des châteaux en Espagne... La puissance de la mort contre des édifices dressés, fragiles, d’avance vaincus.
    Sous la lune pleine et brillante, c’est l’étale .L’eau recouvre tout... les rêves de puissance ou de beauté sont nivelés, pas un poisson ne soupçonne qu’ils ont existé.
    La marée va redescendre, dégager à nouveau la longue plage de sable fin, pas à pas et les vagues vont damer le sol, le durcir, le rendre invincible.
    Dès l’aurore, les chevaux vont marteler cette matière résistante, idéale pour construire, créer, donner formes, apparence, résistance, beauté, tandis que des bâtisseurs de tous âges et de toutes ambitions vont encore de mesurer au temps que durent toutes choses, toutes vies.

     

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